Comparaison entre la norme NF EN ISO 15614-1 et le code américain ASME IX

La question suivante est parfois posée par les représentants des services techniques de soudage :
Puis-je utiliser un mode opératoire de soudage qualifié selon la norme EN ISO 15614-1 lorsque le code de construction et de qualification requis par le contrat est le code américain ASME IX ?.
Ceci peut être particulièrement pertinent lorsque les coûts et les retards seront engendrés si la re-qualification des procédures de soudage est imposée par le donneur d'ordre.

1 - Quels sont les principaux codes et normes de qualification ?

Les deux référentiels de qualification des modes opératoires de soudage les plus fréquemment rencontrées dans le monde de la construction chaudronnée métallique sont la norme européenne EN ISO 15614 Partie 1 et le code américain ASME IX
Ces deux référentiels de qualification sont rédigés et appliqués dans un même but, c'est à dire de donner l'assurance au donneur d'ordre que la ou les procédures de soudage utilisées fourniront les propriétés mécaniques et chimiques souhaitées.

Toutefois il existe des différences majeures entre les deux référentiels ci-dessus qui font qu'ils ne sont pas complètement équivalents.
Il ne sera pas possible dans cet article technique de parcourir toutes les variables essentielles et non essentielles de soudage et des domaines de validité des différentes variables dans les deux spécifications.
Si le respect des impositions du code est nécessaire, il faut se référer au référentiel approprié pour un contrat donné.

2 - Application du code américain ASME

En ce qui concerne le code ASME IX les exigences de construction et de qualification peuvent être appliquées de deux façons distinctes :
La construction selon ASME et la construction avec le stamp ASME.
Si la construction soudée doit être estampillée avec le timbre ASME (stamp ASME) cela ne peut être fait que par un fabricant qui dispose d'un système qualité accrédité par l'ASME et qui est titulaire d'un tampon approprié, Timbre N pour les composants nucléaires, timbre U pour les récipients sous pression, Timbre S pour les chaudières électriques, etc
Toutes les exigences des spécifications du code ASME doivent être respectées, ainsi que dans les dimensions des éprouvettes d'essais mécaniques et dans la vérification de l'étalonnage des équipements d'essais utilisés.

La construction selon code ASME est utilisée lorsque l'équipement fabriqué n'exige pas d'être estampillé avec le stamp ASME mais seulement conçu et construit conformément aux exigences du code ASME.
Une certaine souplesse est alors possible en ce qui concerne les aspects de conformité de la fabrication aux spécifications du code ASME.
Une telle souplesse peut permettre au fabricant et à son service technique soudage de fournir au client ou à l'inspection soudage des qualifications de modes opératoires de soudage (QMOS / PQR) rédigées selon la norme EN ISO 15614 - 1 pour approbation
Ces QMOS EN ISO 15614 - 1 sont considérées comme techniquement équivalentes à un mode opératoire de soudage (PQR) selon ASME IX.

Le code américain ASME IX porte aussi bien sur la qualification des soudeurs et des opérateurs de soudage, que sur les procédures de qualification de soudage, la qualification des braseurs et opérateurs de brasage et les procédures de brasage pour la gamme complète des métaux ferreux et non ferreux (les aciers, le cuivre, le nickel, l'aluminium, le titane et les alliages de zirconium)
Tous les procédés de soudage par fusion sont abordés (GTAW, SMAW, SAW, GMAW, FCAW, etc...).

3 - Application de la norme européenne EN ISO 15614-1

La norme européenne EN ISO 15614 partie 1 couvre la qualification des modes opératoires de soudage à l'arc électrique et le gaz pour l'acier et les bases nickel seulement.
Les autres alliages et les autres procédés de soudage et d'assemblage sont couverts par des normes supplémentaires au sein de la série des EN ISO 15614.
Pour la qualification du personnel exécutant soudage, contrairement à l'ASME IX, il faut s'appuyer sur d'autres normes comme la norme NF EN 287-1, NF EN ISO 9606-1, NF EN ISO 9606-2 à NF EN ISO 9606-6 et la norme NF EN 1418

4 - Les variables essentielles, supplémentaires et non-essentielles

Les deux référentiels de soudage identifient les variables essentielles de soudage (bien que l'EN ISO 15614 - 1 ne les décrit pas comme telle) et définissent pour chacune de ces variables un domaine de validité particulier.
Un changement dans une variable essentielle en dehors de son domaine de validité nécessite la requalification du mode opératoire de soudage.
Le code ASME IX contrairement à la norme EN ISO 15614-1 définit en plus des variables supplémentaires essentielles et des variables non essentielles.
Les variables supplémentaires essentielles ne sont invoquées que lorsque les exigences de ténacité (flexion par choc) sont exigées par le code de l'équipement, par exemple, ASME VIII ou ASME B31.3.
Les variables non essentielles, comme son nom l'indique, sont des variables qui ne sont pas considérées comme portant atteinte à la qualité et / ou aux propriétés mécaniques du joint soudé et comprennent des variables telles que la préparation du joint de la soudure, le débit de gaz de protection à la torche et à l'envers du joint, la méthode de gougeage à l'envers, la buse de gaz de protection, etc
Bien que ces variables ne sont pas essentielles, il existe une exigence qui impose qu'elles soient référencées sur la procédure de soudage.
Il n'est donc pas acceptable d'utiliser une procédure de soudage de type bout à bout BW pour spécifier comment une soudure d'angle doit être faite.

La norme européenne EN ISO 15614 - 1 n'identifie pas toutes les variables comme non essentielles.
Quand une variable n'est pas considérée comme importante et essentielle pour la qualité de la soudure, elle n'est tout simplement pas mentionnée dans le cahier des charges.
Il y a plusieurs variables de soudage où il n'y a pas de domaine de validité.

5 - Le groupement des matériaux selon les référentiels

Afin de réduire le nombre de tests de qualification de soudage, les deux référentiels de qualification du soudage définissent ensemble des groupes de matériaux présentant des caractéristiques chimiques et mécaniques similaires.
La réalisation d'un mode opératoire de soudage dans un groupe de matériaux permet logiquement d'utiliser ce mode opératoire pour les matériaux du même groupe de matériaux de base.
Le code ASME IX attribue les numéros de groupes des aciers de P1 à P15F.
Toute nuance qui n'est pas classée dans un groupe P est considérée comme non attribuée
Une procédure de qualification réalisée à l'aide d'une nuance non attribuée ne peut être utilisée que pour cette nuance spécifique.
Jusqu'à récemment, seuls les nuances conformes aux normes ASME et/ou aux spécifications des matériaux ASTM et/ou certaines nuances UNS possèdent une classification de numéros P.
Cependant, un nombre limité d'aciers français, canadiens, chinois et japonais ont maintenant été ajoutés à la liste des nuances de l'ASME avec un groupe P.

La norme EN ISO 15614 - 1 classe également les groupes d'acier et de nickel ayant des propriétés similaires, mais elle est un peu moins restrictive que le code ASME
Par exemple un acier au carbone avec moins de 0,25% de carbone et une limite d'élasticité minimale spécifiée inférieure à 460MPa est classé dans le groupe 1, qu'il s'agisse d'un récipient sous pression ou d'acier de construction ou d'un acier conformément à la norme ASTM.
Pour déterminer à quel groupe la nuance d'acier appartient, il convient de se référer à la norme EN ISO / TR 15608, qui est la norme qui répertorie la classification des alliages ferreux et non ferreux et leur attribue un numéro de groupe.

6 - Quelles sont les différences entre ASME IX et EN ISO 15614-1 ?

D'autres différences significatives entre les deux référentiels de qualification existent en ce qui concerne par exemple les procédés de soudage à l'arc.
Elles sont les suivantes:
Le code ASME IX ne nécessite pour la qualification de mode opératoire de soudage que la réalisation de deux essais de traction (QW-150) et de quatre pliages (QW-160) pour qualifier une soudure bout à bout.
La norme EN ISO 15614 - 1 nécessite un programme de qualification et d'essais beaucoup plus vaste que l'ASME allant de l'inspection visuelle de la soudure, puis une radiographie ou un examen par ultrasons, la détection par ressuage des défauts de surface, des essais de traction et de pliages ainsi qu'un examen macrographique.
Dans certains cas, les essais de flexion par choc type Charpy-V et les filiations de dureté Vickers HV sont également exigés par la norme EN ISO 15614 - 1.

Le code ASME IX précise que la résistance minimale à la traction de l'éprouvette de traction doit être au moins égale à celle spécifiée dans la norme pour le métal de base et que les éprouvettes d'essais de pliage ne doivent pas avoir de discontinuité supérieure à 3mm de longueur.
La norme EN ISO 15614 - 1 a des exigences identiques pour ces essais mécaniques (tractions et pliages)
Mais en plus la norme EN ISO 15614 - 1 précise des normes d'acceptation pour les essais non destructifs, les résultats des tests de flexion par choc, à la ténacité du matériau et les valeurs limites de filiation de dureté lorsque requis par le matériau soudé.

La norme EN ISO 15614 - 1 exige des essais de flexion par choc (ou résilience) type Charpy-V pour les aciers de 12mm d'épaisseur et plus lorsque la norme et / ou la spécification d'approvisionnement du matériau l'exige.
Le code ASME nécessite des tests d'impact que lorsque cela est spécifié dans le code d'application ASME VIII.
Cette exigence fait que l'apport de chaleur est une variable supplémentaire dans l'ASME IX, et une variable essentielle dans la norme EN ISO 15614 - 1.

La mesure des filiations de dureté est requis par la norme EN ISO 15614 - 1 pour tous les aciers ferritiques avec une limite d'élasticité minimale spécifiée supérieure à 275MPa.
Une valeur de dureté maximale est précisée pour la soudure brut de soudage ou après traitement thermique.
Le code américain ASME IX ne nécessite pas de test de dureté sur les joints soudés quelque soit le matériau soudé.
Le code ASME IX permet une réduction de la température de préchauffage de 55°C (QW-406.1) avant que la requalification soit nécessaire.
La norme EN ISO 15614-1 ne permet aucune réduction de la température de préchauffage de celle utilisée dans le test de qualification.
Le code ASME IX permet que la température entre passes maximum soit de 55°C (QW-406.3) supérieure à celle mesurée dans l'essai de qualification de soudage.
La norme EN ISO 15614 - 1 ne permet pas une telle augmentation de la température interpasse.

Le code ASME IX exige la qualification d'une soudure d'angle à partir d'une qualification de soudure bout à bout.
Sans exigence des soudures d'angle peuvent être qualifiées par un test de soudure d'angle seulement.

La norme EN ISO 15614 Pt1 exige une qualification sur soudure bout à bout en plus de la qualification sur soudure d'angle pour justifier les caractéristiques mécaniques lorsque la soudure d'angle est soumise à des forces de traction et/ou de compression.

En outre, selon la norme EN ISO 15614-1 une soudure bout à bout qualifie une soudure d'angle.
Toutefois une qualification de mode opératoire sur soudure d'angle est obligatoire lorsque la soudure d'angle est le type de joint prédominant de soudage de la production.

Le mode de transfert d'arc en soudage MAG est une variable essentielle à la fois selon la norme EN ISO 15614 et le code ASME IX
Le type de courant de soudage est une variable essentielle dans la norme EN ISO 15614-1 et une variable supplémentaire essentielle dans le code ASME IX.

Un changement de la méthode d'exécution du soudage du mode manuel au mode soudage automatique est une variable essentielle dans la norme EN ISO 15614 - 1 avec obligation de faire une nouvelle qualification de mode opératoire de soudage mais une variable non essentielle dans le code ASME IX.

7 - Conclusions

Bien qu'il existe plusieurs autres variables dans les deux référentiels qui ont des domaines de validité différents il y a beaucoup de variables qui ont des domaines de validité qui sont très semblables - l'épaisseur du matériau étant un exemple.

Cet article technique met en lumière certaines des différences significatives entre les deux référentiels de qualification mais ne permet de s'assurer que la procédure de soudage et que le dossier de qualification sont conformes aux spécifications.
La réponse à la question posée au début de cet article est donc :
Tout dépend de votre persuasion à faire accepter vos QMOS auprès de votre client et de l'autorité d'inspection !

8 - Quelques liens Internet utiles

La normalisation européenne du soudage
Quelle est l'incidence de l'application des normes européennes sur le soudage ?
La notion de Weld Team d'un service technique soudage selon EN ISO 14731
Introduction à la qualité du soudage
Comment rédiger une fiche de descriptif de mode opératoire de soudage (DMOS) ?
Quelle est la codification des types et modes d'assemblage selon les normes européennes ?
Une analyse des nouveautés de la norme de qualification de soudeurs NF EN 287-1 de septembre 2011


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