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Calcul d'un cordon de soudure sous charge statique

Publié: le 22/08/2013 à 12:00 Par: Valheru
Cet article vous permettra de comprendre et de faire des calculs de dimensionnement de cordon de soudure soumis à des charges statiques
L'article est rédigé par Valheru et mis en page par l'équipe du site Soudeurs.com

1 - Quelques rappels essentiels valables pour tous les métaux

1 - 1 - L'essai de traction

Les métaux se déforment sous l’effet de l’application de forces. Forces que l’on symbolise par la lettre F. Soumis à des forces, des contraintes (σ en MPa) apparaissent dans le métal et se calculant tel que : σ (MPa) = F/S
F en newton et S en mm² (on a bien 1MPa=1N/mm²=0,1kg/mm²)
En faisant un test de traction simple on peut déterminer la courbe contrainte/déformation :



Figure 1: Exemple d'essais de traction sur deux aciers


Les résultats diffèrent suivant la ductilité (et donc par opposition la fragilité) du métal. Ci-dessus deux exemples (Figure 1) pour un acier doux (ductile) et un acier plus dur (plus fragile). On repère facilement deux zones sur ces courbes : un domaine élastique et un autre plastique.

1 - 2 - Domaine élastique

Le domaine élastique peut être caractérisé par une droite linéaire comme ci-dessous Figure 2.


Figure 2: Domaine élastique



L’éprouvette s’allonge donc de manière proportionnelle à l’effort appliqué, et retourne à son état initial lors de l’arrêt de l’application de l’effort de traction. On définit deux caractéristiques du métal :

[*] la limite d’élasticité : R[SUB]e[/SUB] (MPa) =F[SUB]e[/SUB]/S[SUB]0[/SUB]

Avec bien sûr S[SUB]0[/SUB] la section (initiale) de l’éprouvette de traction en mm² et la force en Newton.

[*]· le module d’élasticité, aussi nommé module d’Young : E (MPa) la pente de la droite, c’est une constante qui varie selon le métal considéré.


La relation qui relie donc la contrainte à la déformation dans ce domaine est la loi de Hook :

Avec ε=ΔL/L
Ce qui équivaut à :

Comme l’éprouvette a un certain volume (constant), et qu’elle s’allonge, la section diminue obligatoirement. En prenant en compte le coefficient de Poisson on a alors :

Cette formule est valable suivant les deux axes perpendiculaires à l’axe de traction de l’éprouvette. Pour un acier standard on prend généralement ν=0,3.

1 - 3 - Domaine plastique

En continuant à appliquer un effort de traction au-delà du domaine élastique (F[SUB]e[/SUB]), on entre dans le domaine plastique et on observe un allongement de plus en plus prononcé de l’éprouvette.


Figure 3: Essai de traction et représentation du domaine plastique en jaune


A partir de ce moment-là, l’éprouvette ne reprend plus sa taille/forme d’origine.
En effet, lors de l’arrêt de l’application de l’effort de traction sur le métal, la contrainte diminue dans l’éprouvette suivant une droite parallèle à la droite du domaine élastique comme on peut le voir Figure 4.


Figure 4: Essai de traction jusque dans le domaine plastique
[TABLE]


Nota : Si on recommence à tirer sur l’éprouvette, on repart en reprenant la droite partant de la déformation permanente créée.
De plus, à partir du moment où l’on dépasse R[SUB]m[/SUB], donc la résistance maximale que peut supporter le métal, que l’on appelle aussi la résistance à la rupture, le métal passe dans un domaine d’instabilité plastique. C’est-à-dire qu’il y a striction de l’éprouvette, la section s’amincit jusqu’à rupture total, qui correspond à l’extrémité droite de la courbe de la Figure 4.
Récapitulatif avant de passer à la suite : R[SUB]e[/SUB], R[SUB]m[/SUB] et E sont trois caractéristiques très importantes du métal. Pour le métal de base comme dans les soudures soumises à un effort, le but est de rester dans le domaine élastique, donc en dessous de R[SUB]e[/SUB] pour éviter une déformation irréversible du métal, voire la rupture (qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences).

2 - Au niveau d'une soudure

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- 1 - Gorge et longueur de soudure

La gorge mesurable est par défaut la gorge apparente.
Pour déterminer la gorge réelle, il faut réaliser une macrographie.
On peut voir la différence entre gorge apparente entre la figure 5 où la gorge apparente est égale à la gorge réelle, et la Figure 6, où la gorge apparente est différente de la gorge réelle (appelée a sur les Figures) :


Figure 5 : Gorge apparente d’une soudure


Figure 6 : Gorge réelle d'une soudure


A la longueur de soudure mesurée, on retire deux fois la gorge pour les calculs, pour ne pas considérer les défauts de début et fin de cordon.
Remarque : On utilise la section efficace pour le calcul de la résistance des soudures. Elle correspond exactement à la gorge apparente vue ci-dessus, sauf qu’elle ne tient pas compte de surépaisseur s’il y en a.

2 - 2 - Représentation des contraintes dans l'espace

Dans le métal, les contraintes sont en 3 dimensions et on peut les représenter telles que sur la figure 7 :


Figure 7: Représentation des contraintes dans l'espace


On appelle σ[SUB]x[/SUB], σ[SUB]y[/SUB] et σ[SUB]z[/SUB] les contraintes normales, les autres sont des contraintes tangentielles (de cisaillement).
On peut les écrire sous forme d’un tenseur des contraintes :
Or on sait qu’il existe un repère orthonormé, le repère principal où le tenseur est de la forme :
Où σ[SUB]I[/SUB], σ[SUB]II[/SUB] et σ[SUB]III[/SUB] s’appellent les contraintes principales. Il n’y a pas de contraintes de cisaillement dans ce repère.

2 - 3 - Les contraintes présentes dans les soudures

Il existe différentes contraintes qui agissent dans les soudures, comme vu ci-dessus, mais seulement 3 ont un effet notable sur la résistance. Elles sont calculés dans le plan de la gorge réelle (ou apparente, Figure 7).


Figure 8: Contraintes présentes dans le cordon de soudure




[*]la contrainte normale perpendiculaire à la direction du cordon : σ[SUP]T[/SUP]
[*]la contrainte tangentielle perpendiculaire à la direction du cordon : τ[SUP]T [/SUP]
[*]La contrainte tangentielle parallèle à la direction du cordon : τ[SUP]//[/SUP]


La contrainte normale parallèle à la direction du cordon σ[SUP]T[/SUP] ne sera jamais prise en compte dans le calcul des soudures en état de ductilité, car le cisaillement est la cause principale de rupture.

2 - 4 - Critères de plasticité dans une soudure

Il faut savoir que la RDM est limité aux cordons de soudure supposés parfaits, c’est-à-dire sans défaut, et que les calculs s’effectuent dans le plan de gorge (comme expliqué ci-dessus).
On peut en première approximation utiliser le critère de Von Mises ou le critère de Tresca, qui sont des critères de plasticité, pour déterminer si les efforts appliqués sur la soudure suffisent (ou pas) pour la faire rentrer dans le domaine plastique (non désiré pour la tenu des soudures).

Sur la Figure 9 on a la représentation de ces deux critères dans le cas de contraintes planes (avec σ[SUB]1 [/SUB]et σ[SUB]2[/SUB] les contraintes principales).


Figure 9: critères de von Mises et Tresca


On voit bien que les contraintes minimales (de cisaillement) permettant de sortir du domaine élastique sont dans un plan à 45° des contraintes principales. Ce plan de cission correspond donc au plan de rupture le plus probable, où se trouvent les contraintes de cisaillement maximales admissible amenant à la rupture (valant Re/2 pour Tresca).
Le critère de Tresca est le plus sévère et le plus simple à utiliser, mais c’est le critère de von Mises qui tend à reproduire le comportement du métal plus fidèlement. Dans les faits, des essais ont montré que la réalité se situe plus entre ces deux critères. Toutefois, selon l’Institut de soudure, l’utilisation brute du critère de von Misès n’est pas adaptée au soudage, et préconise plutôt l’utilisation d’un critère de von Misès modifié :
Norme AFNOR NF P 22-470 (1989) pour les aciers


Avec :
K coefficient du matériau
o K=0,7 pour un S235
o K=0,85 pour un S275
o K=1 pour un S355

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- 5 - Calculs de contraintes dans une soudure bout à bout

Exemple :
Figure 10: Traction simple sur soudure bout à bout



F=5000N a=e=5mm Re=355MPa Déterminer L la longueur de cordon nécessaire.
Dans ce cas si, ce qui nous rend la tâche plus facile c’est que le plan de gorge correspond exactement à la section de la tôle. On a uniquement une contrainte normale.
On a donc tout naturellement :
σ=F/ (a*L) avec L la largeur de la plaque
On peut prendre un coefficient de sécurité, par exemple 2.
Donc : σ≤σ[SUB]e[/SUB]/2
F/ (a*L) ≤σ[SUB]e[/SUB]/2
F*2/ (a* σ[SUB]e[/SUB]) ≤L
L≥5000*2/ (5*355) =5,6mm
Il nous faut donc environ 6mm de cordon (avec a=5 mm) pour résister à une traction de 5000N (=500Kg environ).

2 - 6 - Calculs de contraintes dans une soudure d'angle

Avec F=5000N a=e=2mm Re=355MPA, déterminer L la longueur de cordon nécessaire.
Le problème est symétrique donc on calculera L la longueur totale des 2 cordons réunis.
En utilisant von Mises modifié, on utilise la formule suivante :

Avec K facteur correctif dépendant du métal, pour un S355 K=1

On projette F sur la contrainte normale perpendiculaire et sur la contrainte tangentielle perpendiculaire :
σ[SUP]T[/SUP]= τ[SUP]T[/SUP]=F*(2[SUP]-1/2[/SUP]/2)/ (a*L) ≈F*0,7/ (a*L)
La contrainte de cisaillement parallèle est nulle.
On écrit : ((F*0,7)²+3*(F*0,7)²)[SUP]-1/2[/SUP]≤σ[SUB]e[/SUB]
Avec un coefficient de sécurité 2, on a :
( (F*0,7/(a*L))²+3 F*0,7/(a*L))²)[SUP]-1/2[/SUP]≤σ[SUB]e[/SUB]/2
2*(F*0,7/(a*L)) ≤σ[SUB]e[/SUB]/2
Donc L≥4*F*0,7/ (a* σ[SUB]e[/SUB]) ≈19,7mm
Deux cordons de 10mm de longueur de chaque côté est donc nécessaire (+2a si on tient compte des défauts de début et fin de soudure).

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- Exemple supplémentaire Un cube de 120 mm de côté est soudé sur un assemblage de 6 tonnes, avec une gorge apparente de 3,5 mm.
Une force F est appliquée (effort de levage). Déterminer si les soudures tiennent au début de levage.
Métal : S275
Le moment de flexion, dont les soudures horizontales reprennent l’effort, est négligeable :
M=F*d=60000*120=7200 Nmm
Avec : W=l²*d/6 le module de flexion (or d=l=120mm=0,120m)
Donc : W=2,88*10[SUP]-4[/SUP]mm[SUP]3[/SUP]
Et σ=M/W=25 MPa
· L’effort F, quand à lui, est repris par les deux soudures verticales :
τ[SUP]//[/SUP]= F/S=60000/(120*2*3,5)=71,4 MPa

Avec von Misès modifié, il faut que :
0,85*(3*71,4²)[SUP]-2 [/SUP]≤ σ[SUB]e[/SUB]
1,47*71,4 ≤ σ[SUB]e[/SUB]

Or, 1,47*71,4≈105 ce qui est bien inférieur à σ[SUB]e[/SUB], qui est de 275 MPa.

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Par: Valheru

Commentaires (8)

23/08/2013 10:49:56 - Dominique ADMIN
Bonjour à tous,

Je remercie Valheru d'avoir pris le temps de nous concocter un article technique très intéressant sur le calcul d'un cordon de soudure sous charge statique
J'espère que vous apprécierez le contenu technique de ce document.
N'oubliez pas de noter l'article et d'écrire vos commentaires.

Cordialement,

02/09/2013 19:10:48 - JEANNO
Bonsoir,

Très bel article, toutefois une petite question, suivant standard ASME la gorge de la soudure est mesuré différemment, y a t'il une conséquence sur le résultat des calculs de contraintes.

Merci et encore félicitations pour l'article.

Jean no

02/09/2013 19:14:31 - Dominique ADMIN
Bonsoir,

Les américains dimensionnent leurs cordons de soudure par la mesure Z qui correspond à la hauteur ou pied de la soudure.
La gorge de soudure notée A est égale à 0,7 fois le Z
Une soudure d'angle de 7 mm de gorge à un Z = 10 mm. (Dans la théorie bien sur)

Cordialement,

02/09/2013 20:36:17 - BLONDIN2170
Bonsoir,

Juste pour information, les Russes cotent également les soudures d'angle à leur hauteur et à leur "piétement" avec des écarts tolérés très faibles.
Leur code applicable est le "GOST".

Cordialement,

03/09/2013 11:20:33 - BLONDIN2170
Bonjour,

Voici un extrait du code Russe GOST 14771-76 (Soudage à l'arc sous gaz de protection. Joints soudés. Principaux types, des éléments de conception et les dimensions) qui montre comment ils considèrent les soudures d'angles :



Et voici les valeurs de "k" suivant les caractéristiques du matériau :


22/09/2013 07:01:59 - djdj117
Bonjour,
Merci pour cet article, j'avais déjà une vision personnelle de la question, mais votre point de vue est également pertinent. Je vais pouvoir modifier en partie mon cours pour intégrer le vôtre.
Bien Cordialement
D. Girardin

17/12/2013 17:06:53 - abdelkader bouhafs
bonjour
merci pour cet article , je suis recherche la définition de effet bauschinger ?

18/12/2013 12:53:04 - Valheru
Bonjour abdelkader bouhafs,

Vous pouvez trouver plus de renseignement ici: Effet Bauschinger - Wikipédia
C'est assez bien expliqué. On peux trouver des informations ici: Plasticité des métaux