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Marc Hellin dirige le Centre de Perfectionnement des Soudeurs en Belgique

Publié: le 11/09/2016 à 16:07 Par: Dominique ADMIN
A Neder-Over-Hembeek, Marc Hellin dirige le Centre de Perfectionnement des Soudeurs. Créé en 1975, ce centre de compétence organise la formation de soudeurs, spécialistes, enseignants, moniteurs et même d'ingénieurs-soudeur (cours pratiques).

Peut-on en savoir plus sur votre formation, votre parcours ?

La première fois que j'ai soudé, c'était à l'âge de 14 ans, à Saint-Nicolas Waas. J'ai fait des études d'ingénieur-soudeur pendant quatre ans à Malines. Mon premier boulot, c'était à Tamise, où j'ai travaillé sur un chantier naval. Pendant neuf mois, j'ai été ingénieur-soudeur puis ajusteur en chef. Je suis ensuite resté pendant 12 ans chez Nobels Peelman comme ingénieur-soudeur mais j'étais aussi chef de la qualité et d'un hall de soudage automatisé.
Cette société a notamment travaillé sur le chantier de l'écluse de Zeebruges, du viaduc de Vilvoorde et, avant que je n'en fasse partie, le chantier de l'Atomium. J'ai aussi donné des cours du soir en soudure, théorie et pratique. Puis, je suis parti et, pendant trois ans, j'ai travaillé dans le polyester, qui est encore plus difficile à traiter que les métaux. J'ai également été professeur à l'Institut de Naeyer à Malines ainsi qu'à l'IBS, l'Institut Belge de Soudure.
Depuis 1991, je suis au Centre de Perfectionnement des Soudeurs tandis que je m'occupe du Mondial des Métiers comme vice-président de Skillsbelgium et je suis l'expert belge pour le soudage. Après ce parcours, je peux dire que je reste un passionné de la soudure.

Le CPS est-il un relais entre les entreprises et les travailleurs ?

Oui, il est une volonté d'Agoria ainsi que des partenaires sociaux. Notre but est d'essayer de comprendre les nouveaux besoins des entreprises et de s'adapter à ceux-ci en proposant des formations. Il faut savoir qu'en 1975, il y avait une forte demande de soudeurs agréés.
Le CPS a été créé pour répondre à cette demande. Son initiateur est le Ministre national des Affaires bruxelloises de l'époque, un certain Paul Vanden Boeynants. Nous sommes un centre de compétence pour des formations accélérées mais il est difficile de nous comparer avec les centres de compétence tels qu'on les connaît en Wallonie. Nous sommes à la pointe en matière de techniques de soudage. Nous sommes en quelque sorte un pôle d'excellence. Notre première vocation, c'est l'entraînement et la formation accélérée vers le soudeur agréé.

Vous êtes ingénieur-soudeur. Que peut-on dire sur cette profession ?
Quel est son rôle et par quelle filière peut-on devenir ingénieur-soudeur ?


C'est une des formations les plus polyvalentes dans l'industrie. L'ingénieur-soudeur s'occupe aussi bien du cahier des charges que de la livraison au client et de la production. Il doit connaître l'électricité, l'énergie, la métallurgie ainsi que les calculs de construction (c'est-à-dire les tensions qui peuvent se produire dans un édifice), la sécurité et l'assemblage. 85 % de sa carrière se déroule dans la production et son travail principal, c'est le contrôle qualité.

En Belgique, pour devenir ingénieur-soudeur, il faut être ingénieur civil ou industriel. Ensuite, deux filières sont possibles : soit suivre un cours spécifique pendant deux ans à l'Institut Belge de Soudure. Cette formation a lieu une fois par semaine et donne droit à un diplôme international.
L'autre possibilité n'existe qu'en Flandre. Elle consiste à suivre une formation d'un an à l'Institut De Naeyer à Malines et qui est sanctionnée par un passage devant un jury. Auparavant, il existait à Louvain-la-Neuve une licence en soudage mais cela n'est plus organisé depuis un an ou deux.

Quelles sont les particularités du secteur du métal et de la soudure ?

Pratiquement toutes les constructions peuvent se faire en métal : mobilité, constructions lourdes, aviation, chimie. Le métal est fort recyclable, ce qui est intéressant au point de vue environnement, contrairement au béton. Autre avantage : on peut pratiquement tout souder, y compris les produits métalliques et plastiques.

La soudure fait partie des professions dites en pénurie. Quelle en est la raison selon vous ?

Selon moi, la première raison est liée au fait que la société a toujours une image négative du soudeur. On croit que c'est un travail lourd, sale, que ce sont des gens qui ne veulent pas étudier, qui n'ont aucun don,... donc cela n'intéresse pas les jeunes. Tout cela est faux, bien évidemment !
Ensuite, la formation est difficile mais les écoles n'ont pas la possibilité de bien former les gens, par manque d'infrastructures adéquates ou de profs qualifiés. De plus, la formation prend du temps. Il faut du caractère et une volonté énormes. Dès qu'on a la flamme, il faut foncer car c'est un super beau métier.

Quelles sont les qualités demandées aux personnes qui travaillent dans ce secteur ?

Physiquement, être en bonne forme, avoir des muscles, avoir une bonne vue, savoir différencier les couleurs (un daltonien ne pourrait pas être soudeur !). Il faut pouvoir rester concentré durant des heures et être correct (ponctualité). Il doit aussi suivre des consignes strictes et bien les comprendre : paramètres de soudage stricts, ampérage à respecter et savoir interpréter les différents bruits du bain de fusion. C'est un métier qui génère beaucoup de stress.

Le métier a-t-il évolué ?
De quelle manière ?


Oui, il a évolué. Il y a des procédés de soudage qui, progressivement, disparaissent, tels que la soudure au chalumeau ou à l'électrode enrobée. A présent, le semi-automatique domine ainsi que les procédés avec ou sans gaz. D'autre part, les exigences de qualité augmentent étant donné que les calculs deviennent de plus en plus performants. Avant, chaque concepteur avait ses propres règles de qualité.
Maintenant, il y a des normes ISO valables partout. On forme des soudeurs qui peuvent travailler dans le monde entier tout comme des personnes formées à l'étranger peuvent venir travailler ici. Enfin, de plus en plus souvent, on met au point des matières compliquées à souder et les techniques de soudage doivent suivre. Cela devient de la recherche : on se demande comment souder et à quel niveau, et cela sans détériorer la matière de base. Bref, le soudeur ne peut plus faire ce qu'il veut ; il y a des modes opératoires à suivre.

Quelles sont les contraintes du métier ?
Est-ce qu'il présente des risques pour la santé ?


Le soudeur doit être agréé tous les deux ans donc chaque travail qu'il effectue devient un test. Il s'agit en fait d'un examen officiel devant une personne inconnue. Pour s'y préparer, il faut faire une formation ou une remise à niveau dans les centres de perfectionnement. Ainsi, au CPS, on travaille à la carte. 99 % des personnes viennent ici pour obtenir un agrément officiel selon les normes internationales. Pour exercer le métier, on doit rester dans des conditions physiques parfaites. La vue est importante. En cas de problème, il est indispensable de porter des lunettes ou un casque avec un écran qui corrige la vue. Quant au contrôle nerveux, il doit être bon, il ne faut pas trembler.

Au niveau des risques, on fait le nécessaire pour les diminuer. Il faut avoir l'équipement adéquat pour se protéger et suivre attentivement les consignes. Mais il reste des risques de rayon UV, risques électriques (car présence d'un arc électrique) ainsi que la fumée.

Côté avantages, peut-on dire que le métier comporte une certaine part de créativité ?

Oui, certains soudeurs peuvent être très créatifs et réinventer certaines techniques. Ils visent le top, le rendement de la soudure.

Un soudeur travaille-t-il uniquement dans le domaine de l'assemblage ?

Souder, c'est toujours assembler. On trouve donc des soudeurs partout où on fait de l'assemblage : dans la chimie, la bijouterie, les centrales nucléaires, les chantiers navals, la construction de ponts, les voitures, les cars, les camions, les pylônes de transport d'énergie ou même dans les cliniques (soudage de pacemaker), dans les brasseries (soudage de tubes), dans les laiteries,...

Est-ce qu'une formation générale en soudure est préférable à une spécialisation dans l'un ou l'autre procédé de soudure ?

Au niveau scolaire, une formation générale n'est pas possible vu le nombre important de techniques de soudure différentes. On devrait plutôt faire un apprentissage en profondeur de deux techniques, à l'instar de la soudure semi-automatique qui est utilisée à 80 % en Belgique. Ensuite, l'étudiant pourrait se spécialiser en fonction de l'environnement professionnel autour de l'école, par exemple en soudure TIG qui est fort utile pour travailler dans le port d'Anvers. Après cela, on peut faire la soudure en cordon d'angle et en 7e Professionnelle la soudure en bout à bout

Quelles matières peuvent être soudées ?

Pratiquement toutes les matières qui fondent à une certaine température ! Les matières métalliques, plastiques comme le polyéthylène, le teflon,... Au sujet du polyéthylène, on remarque d'ailleurs qu'il est beaucoup soudé ces dernières années.

Quels sont les différents types de soudures ?

Il y en a trois types : la soudure en cordon d'angle (on soude deux tôles qui sont perpendiculaires et on fait un joint), sur tôles et sur tubes

Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à un jeune qui veut se lancer dans cette profession ?

D’abord, il doit être attiré par cette profession, avoir l’amour de la petite flamme, sinon cela n’ira pas. Il faut être persévérant, s’entraîner sans cesse, être ponctuel, bien suivre les directives et les modes opératoires et s’informer chaque fois qu’il ne comprend pas quelque chose. Dès qu’il aura réuni toutes ces aptitudes, il saura faire quelque chose que d’autres ne savent pas faire. En effet, faire fondre du métal, c’est un peu de la magie, de la sorcellerie !

Quel est selon vous l’avenir de ce secteur ?

La soudure, cela existera toujours pour la réparation de constructions ou pour de nouvelles constructions. La soudure permet notamment de réparer des fissures sur des ponts ou sur des voitures. Dans le futur, on fera néanmoins de plus en plus de collage, grâce à l’arrivée de matériaux composites. Par contre, dans l’aviation, on revient de plus en plus à la soudure alors que le rivetage était davantage utilisé ces dernières années. Les calculs deviennent de plus en plus performants donc il faut aussi des assemblages qui présentent les mêmes caractéristiques mécaniques.
Je crois qu’il y a peu de personnes qui comprennent l’importance du soudeur dans la vie quotidienne. Il est partout, on a besoin de lui dans de nombreux secteurs de la vie professionnelle. L’estime qu’on a pour un soudeur en Belgique et de manière plus large en Europe n’est en rien comparable avec l’estime dont il bénéficie aux Etats-Unis ou en Australie. Là-bas, on le compare à un notaire ou un docteur en médecine.

Lien de l'article :
Marc Hellin, Ingenieur soudeur
- Metiers.be
Par: Dominique ADMIN

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