Rechercher dans les articles et les forums

L’importance du gaz d’inertage sur les propriétés des soudures TIG de l’inox 304H

Publié: le 04/05/2015 à 09:16 Par: Clémence HFT France
L’importance du gaz d’inertage sur les propriétés des soudures TIG de l’inox 304H

par E. TABAN, E. KALUC et T. S. AYKAN


Des essais ont permis de mettre en évidence les effets de différents gaz d’inertage sur la microstructure, la résistance à la corrosion, à la rupture, à la déformation, aux impacts de l’acier inox 304H après soudage.

Résumé

Pour empêcher toute oxydation de la zone soudée dans une canalisation, un soudage de haute qualité sur des tubulures en acier inox doit être réalisé sous inertage. Le soudage à l’arc tungstène (TIG) de tubes en acier inox 304H [aussi connu sous les appellations : X6CrNi18-10- (1.4948)], couramment mis en œuvre en raffineries, a été réalisé avec et sans inertage. L’argon (Ar), l’azote (N2), des mélanges Ar+N2 et N2+10% d’hydrogène (H2) ont été utilisés. L’objectif était de déterminer les effets du gaz d’inertage sur la microstructure, la résistance à la corrosion, à la rupture, à la déformation, aux impacts, des joints soudés. Des examens macro des soudures, tout comme des examens des microstructures, ont été réalisés. La composition chimique du métal dans la soudure a été obtenue par SDL (Spectrométrie à Décharge Luminescente). Des analyseurs Leco ont permis de mesurer la teneur de la racine des soudures en N2, O2 et H2.Le taux de ferrite du joint a été mesuré avec un Ferritscope®, et la dureté Vickers (HV10) a été vérifiée. Des tests de corrosion intergranulaire et par piqûre ont été utilisés afin de déterminer la résistance des soudures à la corrosion. Les différents gaz d’inertage ont eu une influence sur les propriétés de résistance à la corrosion, ainsi que sur la coloration de la racine des soudures. Le Leco, analysant les teneurs en N2-O2-H2, a montré des valeurs nettement accrues d’azote dans la soudure, allant de 480 à 820 ppm, dans les soudures sans inertage, ou inertées à l’azote, respectivement. Il en est résulté un taux de ferrite abaissé jusqu’à 6, en passant de l’absence d’inertage à l’inertage à l’azote. D’un autre côté, les propriétés mécaniques n’ont quasiment pas été affectées par l’inertage. La composition des aciers 304H et 308H pourrait autoriser l’azote comme gaz d’inertage, sans accroissement significatif du risque de fissuration à chaud.

Introduction

Lorsqu’on veut des soudures sur tubes en acier inox de haute qualité, tels que ceux imposés pour les unités de production d’énergie, la pétrochimie, la pharmacie, les brasseries, et l’alimentaire, la soudure à l’arc tungstène (TIG) est préférée (Réf.1). La qualité de la racine de la soudure de tubes et pipes en acier inox peut être assurée si l’on se débarrasse de l’air dans la zone en fusion grâce à un gaz d’inertage. Un inertage insuffisant conduit à la formation de couches de ferrochrome contenant des oxydes colorés, couramment appelés coloration à chaud. La contamination par l’oxygène (02) de soudures d’acier inox produit de l’oxydation superficielle (sugaring), un dépôt d’oxyde sur la surface de la racine du cordon de soudure. C’est une couche rugueuse, grêlée (pitting) et poreuse, qui peut retenir des matières organiques et conduire à de la contamination, à des propriétés mécaniques réduites, et à une bien moindre résistance à la corrosion des soudures en service (Réf 1-6). En particulier, le pitting dans la zone affectée thermiquement (ZAT) est souvent observé pour les aciers inox austénitiques, tels que les aciers EN 1.4301/1.4401 (AISI 304/316). En pratique, on enlève les oxydes formés à haute température par décapage avec un liquide ou une pâte, suivi par une repassivation. C’est considéré comme la meilleure méthode pour restaurer la résistance à la corrosion par piqûre d’une soudure déjà oxydée. Cependant, une remise en état après soudure à l’aide de moyens mécaniques ou chimiques est souvent complexe ou trop coûteuse (Réf 1,3). Il est donc bien préférable d’utiliser une technique d’inertage appropriée pour protéger la racine du joint de toute contamination par l’air ambiant. La protection (inertage) est généralement réalisée par de l’argon (Ar), de l’azote (N2) et de l’azote additionné d’hydrogène (H2), généralement à 10%. On peut utiliser d’autres gaz, tels l’hélium (He), un mélange Ar/He et des mélanges de H2 avec d’autres gaz. L’hydrogène garantit une ambiance réductrice plus efficace que l’argon, pour éviter la formation d’oxydes, mais est recommandé seulement pour les aciers inox austénitiques. Pour les nuances d’aciers inox austénitiques contenant de l’azote ou pour les superduplex, on recommande encore d’utiliser des mélanges contenant de l’azote, pour compenser les pertes en azote dans le bain en fusion. Des variations dans la qualité du gaz d’inertage peuvent se produire, et il peut être utile de la vérifier en permanence, notamment de surveiller la teneur en O2 et en humidité (Réf. 1,6-10).

L’argon pur est de loin le gaz d’inertage le plus utilisé en soudage TIG des aciers inox austénitiques standard, tels les 304 et 316. En raison de la raréfaction de l’argon, et de l’augmentation de son prix subséquente, on a toutes les raisons de changer pour d’autres gaz d’inertage, tels l’azote pur ou des mélanges (Réf. 1)

Les installations travaillant sur le gaz et le pétrole doivent choisir les matériaux ayant le meilleur rapport coût/utilisation, en raison de la grande variété d’applications et de conditions d’utilisation. La grande majorité de tout ce qui touche à la technologie du gaz et du pétrole est mature. En grande partie, les aciers inox sont mis en œuvre dans les installations et les équipements annexes là où la résistance à la corrosion des aciers au carbone ou des aciers faiblement alliés est insuffisante. Les nuances austénitiques trouvent leur rôle là où leurs excellentes propriétés mécaniques à haute température ou pour des emplois en cryogénie sont un avantage (Réf. 11).

Il y a peu de publications sur le rôle des gaz d’inertage sur la microstructure, la corrosion et les propriétés mécaniques de l’acier austénitique inox 304H applicable aux industries gazières, pétrolières, aux raffineries, où l’on trouve souvent des conditions de corrosion sévère. C’est l’objet de cette étude : mettre en évidence le rôle des gaz d’inertage sur la microstructure, le taux de ferrite, la résistance à la corrosion et les propriétés mécaniques de joints soudés TIG sur des tuyauteries en acier inox 304H, pour application en raffineries.

Le Tableau 1 donne la composition chimique et la résistance à la rupture transversale pour une tubulure en acier inox 304H (AISI) de 0,236’’ (6 mm) d’épaisseur et 4’’ (101,6 mm) de diamètre.


Tableau1 — Composition Chimique et propriétés mécaniques du pipe 304HRésistance à la rupture transversaleLimite apparente (RP0.2) MPa : 205 / UTS (Rm) MPa 515 / Allongement % 40




Paramètres du soudage

Le soudage à l’arc tungstène a été utilisé pour la passe de fond et la deuxième passe sur le pipe en 304H, avec de l’argon comme gaz de protection.

Le joint soudé marqué 04H NP (no purge/sans inertage) a été réalisé sans aucun inertage lors de la passe de fond. Les joints suivants ont été réalisés sous inertage avec de l’argon pur, de l’azote pur, un mélange Ar+5%N2, et un mélange N2+10%H2, respectivement, sur la passe de fond. Outre la passe de fond, cinq passes supplémentaires ont été réalisées pour terminer les soudures.

Les pipes soudés sont appelés respectivement 04H A (inertage à l’argon), 04H N (azote), 04H AN (Ar+N2), 04H NH (N2+H2). Durant toute la phase de soudage, l’inertage a été maintenu jusqu’au refroidissement de la racine et de toutes les passes. Des baguettes TIG ER 308H ont été utilisées comme métal d’apport. La composition chimique du métal d’apport est donnée dans le Tableau 2.

La taille de l’ouverture de la racine a été maintenue en faisant quelques points de soudure avant le soudage proprement dit. On a lancé le soudage une fois le taux d’oxygène de 10 ppm atteint, vérifié par un mesureur approprié. Les détails de la procédure de soudage sont indiqués Tableau 3.

Des coupes transversales prélevées sur les cordons de soudure ont été préparées selon les techniques métallographiques standard : meulage sur des disques en composite, puis polissage sur des plateaux textiles avec des suspensions de diamant de tailles de grains de plus en plus fines.

Les échantillons ont été attaqués en condition électrolytique dans de l’acide oxalique, pour évaluation de la microstructure. En outre, un deuxième ensemble d’échantillons a été préparé et soumis à un réactif d’attaque colorée en solution de Lichtenegger, afin de déterminer le mode de solidification.

Le taux de ferrite de la première passe et de la passe finale, ainsi que celui du métal de base, ont été mesurés avec un Ferritscope®, en faisant la mesure à la surface de la première passe. On a fait la mesure en au moins 15 points sur chaque échantillon, afin de déterminer la teneur en ferrite (indiqué comme le Ferrite Number, ou FN).

La composition chimique des joints a été atteinte par la Spectrométrie à Décharge Luminescente (SDL ; GDOES, en anglais). Par ailleurs, un équipement de combustion Leco a été utilisé pour connaître les taux de N2, 02 et H2 de la racine.

Les valeurs Vickers ont été déterminées avec une charge de 10 kg sur une machine de dureté Instron sur la coupe transversale de chaque soudure, selon les pratiques définies dans les normes européennes (EN standards). Trois mesures ont été effectuées sur la surface pour le métal de la racine (≤ 2 mm de profondeur depuis la surface de la racine) et pour le métal de base.

Des essais de corrosion intergranulaire et de corrosion par piqûre selon les normes EN3157/EN ISO 3651-2 et ASTM G48, respectivement.

L’essai de corrosion intergranulaire a été mené par immersion dans une solution bouillante d’acide sulfurique-sulfate de cuivre pendant 20 heures, puis par flexion des échantillons.

Les échantillons pour la corrosion par piqûre ont été conservés 72 heures dans une solution de chlorure ferrique à 50°C. On a mesuré les pertes de poids. On a fait des photomacrographies des échantillons pour les échantillons soumis à la corrosion intergranulaire aussi bien que pour ceux soumis à la corrosion par piqûre.

Des échantillons de tous les joints soudés ont été préparés pour la mesure de la résistance à la rupture transversale, selon la norme API 1104, puis soumis à essai à température ambiante sur une machine hydraulique.

Fig. 1 :

Fig. 1 — Photographies montrant la racine des joints soudés sur des pipes en acier inox 304H, après la première passé et les cinq passes ultérieures.A — 04H NPB — 04H AC —04H ND — 04H ANE — 04H NH, seulement après la première passe; F — 04H NP et G — 04H N.


Fig. 2 :

Fig. 2 — Photomacrographies des pipes soudés en 304H. A — 04H NPB — 04H AC — 04H ND — 04H ANE — 04H NH



Fig. 3 :

Fig. 3 — Photomicrographies des passes de soudure sur 304H. A— 04H NPB — 04H AC — 04H ND — 04H ANE — 04H NH sous grossissement 200 (attaque oxalique).

Des échantillons ont été préparés à partir des faces transverses et des racines de soudure, sur une longueur de 25 mm, puis soumis à essais avec un mandrin de 20 mm de diamètre et un angle de flexion de 180 degrés. De petits échantillons pour les essais de résilience ont été extraits de la coupe transversale, dans son épaisseur, avec l’entaille placée au centre du métal de la soudure (WM), sur la zone affectée thermiquement ; 2 mm de l’interface de la soudure (FL+2mm) et sur le métal de base. L’essai de résistance aux chocs a été mené à 20°C, à -20°C, -40°C et -60°C.


Résultats et explications


Coupes transverses des soudures


Des photographies représentatives de la racine des soudures, montrant les couches d’oxydes de chrome (coloration à chaud) des pipes en 304H soudés sont présentées en Fig.1.

Les pipes en 304H, d’épaisseur 6 mm, ont été soudés avec six passes au total. En fonction de l’énergie totale (chaleur) appliquée, le matériau montre une large gamme de colorations, surtout les soudures effectuées sans inertage.
La Figure 1A-E montre les racines des soudures après la première passe suivie des cinq passes de finition.

Pour donner un meilleur aperçu et faire la corrélation avec la norme AWS D18.1 (Réf. 12), on montre aussi des photographies des racines après la seule première passe pour la soudure sans inertage (Fig 1F), et pour la soudure inertée à l’azote (Fig. 1G).

L’information donnée par la coloration après la première passe est moins nette qu’une fois la première passe et les cinq passes de finition effectuées (Fig 1A-G).

Cependant, on distingue parfaitement les différences entre les soudures en absence d’inertage et avec inertage, grâce à la largeur des zones colorées.

Les soudures avec inertage sont bien plus propres et avec des couleurs plus brillantes que la soudure sans inertage.

Le joint sans inertage aucun (04H NP) montre une couche d’oxyde de chrome très large (Fig 1A, F). Cette couche d’oxyde colorée affecte la résistance à la corrosion, puisqu’elle contient du chrome extrait du métal situé juste en dessous.

Néanmoins, pour les joints réalisés sous inertage : 04H A (Fig. 1B), 04H N (Fig. 1C, G), 04H
AN (Fig. 1D), 04H NH (Fig. 1E), la largeur de la zone colorée est plus faible, et sa couleur est moins intense que pour le joint non inerté, 04H NP. En particulier, sur le joint inerté avec un gaz contenant de l’hydrogène (04H NH), l’effet décolorant de H2 est parfaitement visible.

La Figure 2 montre les photomacrographies des soudures. Les différences de forme des racines, entre la soudure sans inertage (04H NP) et les autres soudures se voient parfaitement. La racine de la soudure 04H NP nécessite un nettoyage et une opération de remise en forme, ce qui induit des coûts supplémentaires par rapport aux autres joints dont la racine a une meilleure forme.

Les propriétés mécaniques des soudures sont affectées de manière significative par leur forme et leur composition. En ce qui concerne notamment la racine, un renforcement positif combiné à une transition douce entre la soudure et le métal de base sont nécessaires pour assurer une résistance mécanique optimale de la soudure.

Lors d’une soudure à l’arc, un paramètre important est le gaz d’inertage mis en œuvre, car il peut avoir une influence sur la forme, sur le mode de transfert du métal, et sur la distribution de l’énergie dans l’arc. Par exemple, la conductivité thermique de l’argon est très faible, ce qui affecte à la fois la forme de l’arc et celle de la soudure. Du coup, on obtient une soudure en forme de verre à vin.

Par contre, grâce à sa haute conductivité thermique, l’hydrogène permet d’avoir un arc plus étroit, dans lequel la concentration en énergie est supérieure, ce qui amène plus de pénétration.

L’hydrogène, un gaz réducteur, empêche la formation d’oxydes à la surface de la soudure. Du coup, la soudure est beaucoup plus belle. Cependant, H2 est très soluble dans les aciers, ce qui peut entraîner des porosités et de la fissuration, surtout dans les soudures d’aciers inox duplex (Réf. 4,13).



Tableau 2 —Composition chimique du métal d’apport utilisé lors de cette étude Composition (en poids-%) / Métal d’apport

Fig. 4 :

Fig. 4 — Photomicrographies de passes de soudure sur acier inox 304H.A — 04H NPB —04H AC — 04H ND — 04H ANE — 04H NH avec un grossissement 200, (attaque Lichtenegger).



Microstructure

La microstructure, pour tous les échantillons, était austénitique, avec un peu de ferrite, y compris dans les racines et les passes ultérieures, quel que soit le gaz d’inertage—Fig. 3. La coloration au réactif de Lichtenegger montre que le métal des soudures s’est solidifié essentiellement sous forme de ferrite—Fig. 4.


Tableau 3 :
Tableau 3 : Détails soudage tube 304HWelded code pipe = Code de la soudure, Position, number of total layers = Position et nombre total de passes, Consomables, Shielding gas = gas d’inertage, Flow rate = débit de gaz, welding parameters = paramètres de soudage, Welding speed = vitesse de soudage, Total heat input = énergie donnée, inertpass temp = température d’entre passes, root = racine, not available = non disponible.



Taux de ferrite

La composition chimique et l’historique thermique jouent sur le taux de ferrite dans les soudures d’aciers inox. Le taux de ferrite joue sur les propriétés de résilience, de résistance à la corrosion, sur la tenue à long-terme aux hautes températures, et, en particulier, sur la résistance à la fissuration à chaud (hot cracking).

C’est pourquoi il est important de s’assurer que le taux de ferrite reste dans les limites spécifiées. De façon générale, un taux de ferrite minimum de 3 est nécessaire pour assurer que la première phase à se solidifier est la ferrite, afin de procurer une bonne résistance contre la fissuration à chaud. Le diagramme WRC-92 peut être utilisé pour prédire le FN de la soudure avec une bonne approximation (Réf. 14) ; il donne aussi une idée sur le type de solidification que l’on peut attendre. Lorsqu’on compile les compositions du pipe et du métal d’apport, le diagramme indique que le taux de ferrite de la soudure sera d’environ 9.

Ajouter du N2 au gaz d’inertage (en protection de la racine) résulte clairement en un taux de ferrite plus faible dans la passe de racine. Le joint non inerté montre une valeur moyenne de 8, pour le taux de ferrite dans la passe de racine, alors qu’une valeur minimale de 1,5 a été obtenue sur la soudure inertée à l’azote.
Pour la soudure inertée à l’argon (04H A), une valeur moyenne de 4,3 a été obtenue, ce qui est assez bas comparé à la soudure non inertée (04H NP). L’inertage avec N2+10% H2 (04H NH) montrait, lui, un taux moyen de 3,3. Ceci est important, et recherché en particulier pour des applications en raffineries, où la fissuration à chaud est un problème.

Le taux de ferrite prévu de 9 est en bon accord avec les valeurs mesurées sur la soudure non-inertée. La plupart des mesures et des valeurs prévues tombent bien dans la région F+A du diagramme qui prédit la solidification avec la ferrite en première phase. La ferrite en tant que première phase solidifiée est aussi confirmée par l’attaque avec le réactif coloré – Fig.4.

Fig. 5 :
Fig. 5 — Photomicrographies du cordon envers montrant la corrosion intergranulaire des soudures.A — 04H NPB — 04H AC — 04H ND — 04H ANE — 04H NH.


Composition chimique

La composition chimique des bains racinaires a été déterminée par analyse chimique et figure dans le Tableau 5.

Les teneurs en N2, 02 et H2 (en ppm) des bains racinaires, déterminées par l’analyse chimique sur un Leco, sont détaillées dans le Tableau 6.

L’utilisation de N2 pur, de gaz riches en N2, de gaz N2+10%H2, comme gaz d’inertage, donne des valeurs constantes entre 820 et 7985 ppm dans les bains racinaires, alors que les valeurs étaient de seulement 485 et 445 ppm pour les bains sans inertage ou avec inertage Ar, respectivement. Cela est en accord avec la teneur en ferrite, où le taux de ferrite (FN) descendait à 1,5 et 3,3 sous inertage à l’azote pur et sous azote avec 10% de H2.

Propriétés de dureté

Les valeurs de dureté Vickers pour les racines de soudure et le métal de base sont données dans le tableau 7. On n’a pas observé de différences de dureté significatives entre les racines de tous les joints.

Propriétés de résistance à la corrosion intergranulaire

En raison de la teneur en carbone relativement élevée du métal de base 304H par rapport à la nuance 304L, le risque de corrosion intergranulaire du 304H serait plus important que pour le 304L. C’est pourquoi, afin de mettre en évidence une éventuelle susceptibilité à la corrosion intergranulaire, des essais selon les normes TS EN 3157 et EN ISO 3651-2 ont été menés par immersion des échantillons dans une solution de sulfate de cuivre dans de l’acide sulfurique à ébullition pendant 20h, suivie d’une flexion.

L’azote a été ajouté au gaz de protection et /ou au gaz d’inertage, surtout pour accroître la résistance à la corrosion par piqûre, mais aussi pour améliorer la résistance mécanique, dans une certaine mesure.

La résistance à la corrosion du côté racine a aussi été accrue en utilisant du N2 pur ou du N2 additionné de 5 à 10% de H2, comme gaz d’inertage. De hautes teneurs en N2 et une exposition prolongée à de hautes températures finiraient par affecter les propriétés des soudures, puisque le N2 dans les aciers inox austénitiques joue un rôle semblable à celui du carbone, en accroissant la résistance mécanique, sans cependant les inconvénients liés à la précipitation de carbures et nitrures de carbone. Aucune défaillance n’a été détectée après flexion, ce qui est le signe d’une bonne résistance à la corrosion.

Le Tableau 5 montre des photomacrographies des échantillons utilisés pour l’essai de corrosion, y compris ceux du côté racine des joints.

Résistance à la corrosion par piqûre

L’essai de corrosion par piqûre a été mené selon l’ASTM G48. Les échantillons ont été immergés dans une solution de chlorure ferrique à 50°C pendant 72h. Les matériaux utilisés dans les industries pétrolières et gazières sont affectés de divers types de corrosion, souvent causés par l’eau de mer et des gouttelettes. En environnement marin, la corrosion par piqûre et la corrosion caverneuse est fréquente, et, pour les nuances austénitiques, la fissuration par corrosion sous tension se produit aussi si le matériau est à une température supérieure à 60°C. De hautes températures, de hautes teneurs en chlorures, et des pH bas accroissent le risque d’attaques localisées dans tout environnement contenant des chlorures.

Le potentiel de corrosion électrochimique est aussi très important. Ce potentiel est affecté par l’activité biologique à la surface de l’acier. Dans la mesure où on peut considérer que l’eau de mer et les environnements associés sont des milieux vivants corrosifs, on a parfois du mal à définir quelles seront exactement les conditions en service. A des températures supérieures à 40°C, l’activité biologique va s’arrêter, et le potentiel corrosif va changer. Utiliser un ajout permanent de produits chlorés (chloration) pour stopper la prolifération de la vie marine peut accroître le potentiel corrosif. Normalement, la température critique de corrosion par piqûre (CPT, en anglais, pour « Critical Pitting Temperature ») est bien inférieure à 50°C pour la nuance 304H. Cependant, il faut garder à l’esprit que, lors d’applications en raffineries, là où des fluides très corrosifs circulent dans les tuyauteries, ces tuyauteries peuvent se dégrader en conditions de service. Ici, on a utilisé les durées et températures maximales pour l’essai, afin de simuler des conditions au-delà de l’extrême, pour obtenir rapidement des données permettant d’établir un classement (Réf. 15).

Les pertes de poids ont été mesurées, et sont présentées dans le Tableau 8. Les photomacrographies des échantillons ont été prises après l’essai de corrosion, et sont visibles sur la Fig.6. La plus faible perte de poids, indiquant la corrosion la plus faible, a été observée sur les échantillons inertés à l’argon. Les pertes de poids maximales semblent venir des soudures inertées avec du N2. Cependant, quand on examine les photographies, la plupart des piqûres sont visibles sur le métal de base et non dans le métal du joint.


Tableau 4 :

Tableau 4 — Taux de ferrite dans les soudures TIG de pipe en 304H Emplacement de la mesure Métal de base / Passe de racine, Welded joint code = Code du joint soudé, Cap pass = Passe terminale



Tableau 5 :

Tableau 5 — Analyse chimique du métal dans la soudure TIG de pipes en 304H Code du joint soudé



Résultats de l’essai de résistance à la rupture

Tous les échantillons ont parfaitement passé cet essai avec succès : la soudure a mieux résisté que le métal de base, qui a cassé en premier. La résistance à la rupture varie de 619 à 675 MPa (Tableau 9).

Résultats des essais de flexion

Aucun des échantillons de la racine ou de la soudure sur pipes en acier 304H n’a échoué au test de flexion.

Résultats des essais de résilience

Les résultats des essais de résilience des joints réalisés avec différents gaz d’inertage, et l’effet du gaz de protection, sont aussi montrés sous forme de graphe Fig. 7. Il n’y a pas de différences notables selon les différents gaz d’inertage, exception faite des joints réalisés sous inertage N2+10%H2.




Fig. 6 :

Fig. 6 — Photomicrographies montrant le côté racine des échantillons pour l’essai de corrosion par piqûre sur des soudures en 304H A — 04H NPB —04H AC — 04H ND — 04H ANE —04H NH.


Conclusions

Cette étude sur les effets du gaz d’inertage (protection de la racine) sur la microstructure, la résistance à la corrosion et les propriétés mécaniques de joints soudés TIG sur des pipes en 304H a conduit aux conclusions suivantes :

Les joints soudés sans aucun gaz d’inertage ont montré une large zone de dépôts d’oxydes de chrome (coloration), qui affectent la résistance à la corrosion. Sur les joints soudés sous inertage, la largeur de la zone colorée est plus faible, et la couleur est moins prononcée, par rapport aux soudures sans inertage. En particulier, sur les soudures inertées avec des gaz contenant de l’hydrogène, l’effet décolorant a été clairement observé.

L’emploi de gaz contenant de l’azote peut conduire à l’introduction de quantités significatives de N2 dans le bain en fusion, et cet effet est plus probable encore avec des racines de soudure plus larges et du soudage manuel. Cela a joué sur le taux de ferrite du métal dans la soudure, descendant jusqu’à 6 FN.

Pour les soudures effectuées sur un acier 304H avec du fil consommable en 308H, on ne devrait pas s’attendre à des problèmes de fissuration à chaud, puisque les soudures vont se solidifier avec une phase ferrite en premier. Cependant, il est recommandé de vérifier la composition de l’acier et du métal d’apport avec le diagramme WRC-92, afin de s’assurer qu’il y a une bonne marge de sécurité. Il est aussi judicieux de mesurer le taux de ferrite de la racine, si elle est accessible, puisque cela donne une indication pour savoir si le métal soudé s’est solidifié sous forme ferritique ou austénitique en premier. On doit cependant garder à l’esprit qu’une racine fortement chauffé à nouveau peut présenter un taux de ferrite inférieur à celui prédit dans le WRC-92, et que ce n’est pas nécessairement le signe d’un risque accru de fissuration à chaud.

On a observé une chute significative du taux de ferrite dans les bains racinaires quand on est passé de l’argon pur au mélange N2/H2 (90% N2+ 10% H2) ou à l’azote pur comme gaz de protection. Le taux de ferrite du cordon racinaire est descendu jusqu’à un FN de 6, par rapport aux soudures non inertées. Cependant, aucune tendance à la fissuration à chaud n’a pu être notée, et tous les cordons racinaires se sont solidifiés d’abord sous forme de ferrite, tel que prévu dans le diagramme WRC-92.

L’utilisation d’azote pur, ou d’azote additivé avec de l’hydrogène à 10 % comme gaz d’inertage a conduit à des valeurs identiques d’environ 820 et 795 ppm dans les bains racinaires, alors que des valeurs de seulement 485 et 445 ppm ont été relevées pour les soudures non inertées ou inertées à l’argon, respectivement. Ces données sont bien corrélées et en accord avec les données sur le taux de ferrite, là où le taux de ferrite est descendu à 1,5 et 3,3 dans l’azote pur et le mélange N2 90 %+ H2 10 % utilisés en inertage.

Les essais de corrosion par piqûre ont montré que ce type de corrosion était minimal sur les soudures inertées à l’argon, comparées aux soudures sans inertage. Les essais mécaniques n’ont pas mis en évidence de changement significatif en fonction du gaz d’inertage.

Les compositions de l’acier 304H et du métal d’apport 308H peuvent permettre d’employer des gaz riches en N2 pour la protection de la racine, sans risque notablement accru de fissuration à chaud. Cependant, il faut prendre en considération la teneur plus élevée en N2 lors du choix de l’acier et du métal d’apport. Il est recommandé de s’appuyer sur le diagramme WRC-92 pour vérifier l’existence d’une marge de sécurité suffisante par rapport aux compositions réelles, ainsi que de vérifier, si c’est possible, le taux de ferrite du cordon racinaire, afin d’éviter le risque de fissuration à chaud.


Tableau 6 :
Tableau 6 — Analyse Leco des cordons racinaires soudés en TIG sur des pipes en 304H Code du joint soudé


Tableau 7 :

Tableau 7 — Dureté Vickers HV10 des soudures TIG sur pipes en acier 304H, sans et avec divers gaz d’inertage


Fig. 7:

Fig. 7 Résultats des essais de résilience sur des pipes en 304H soudés TIG



Tableau 8 :

Tableau 8 — Perte en poids après essai de corrosion par piqûre Code du joint soudé, Poids avant essai, Poids après 24h, Poids après 48h, Poids après 72h, Perte Totale



Tableau 9 :

Tableau 9 — Résultats des essais de traction transverse sur des pipes en 304H soudés TIG, avec différents gaz d’inertageCode du joint soudé / ReH (N/mm2) / Rp 0,2 (N/mm2) / Rm (N/mm2) / % Allongement / Emplacement la fracture / Base metal = Métal de base




Remerciement


Les auteurs souhaitent remercier l’aide financière et technique de Turkish Petroleum Refineries Co., Raffinerie d’Izmit dans le cadre du projet de R&D N° 2010/07. En outre, l’aide des collègues des Départements Inspection, R&D, et Chimie de la Raffinerie, et les contributions de Mehmet Bilgen, IWE, et de Asil Celik Corp. ont été très appréciables.

Références


1. Bergquist, E. L., Huhtala, T., and Karlsson, L. 2011. The effect of purging gas on 308L TIG root pass ferrite content. Welding in the World 3/4, 55: 57–64.
2. Saggau, R. 2005. Investigation of the effect of yellow heat tints on the pitting corrosion behavior of welded stainless steels. PhD thesis, Technical University Carolo Wilhelmina at Braunschweig.
3. Ödegard, L., and Fager, S. A. 1993. The pitting resistance of stainless steel welds. Australasian Welding Journal, Second quarter, 24–26.
4. Fletcher, M. 2006. Gas purging optimizes root welds. Welding Journal 85(12): 38–40.
5. Sewell, R. A. 1997. Gas purging for pipe welding. Welding and Metal Fabrication.
6. Andersen, N. E. Welding stainless pipes, key technology for process industry applications. Svetsaren 1/2; 53–56.
7. Petersens, A. F., and Runnerstam, O. 1993. Selecting shielding gases for welding of stainless steels. Svetsaren 47: 2; 11–15.
8. Cuhel, J., and Benson, D. 2012. Maintaining corrosion resistance when welding stainless tube and pipe. Welding Journal 91(11): 47–50.
9. Li, L. J., and Davis, T. 2007. Effect of purging gas oxygen levels on surface structure and mechanical properties of GTA welded Type 304 stainless sanitary tube. Journal of Advanced Materials 39(4): 14–19.
10. McMaster, J. 2008. Using inert gases for weld purging. Welding Journal 87(5): 40–44.
11. Gooch, T. G. 2010. Welding new stainless steels for the oil and gas industry. The Welding Institute, March, 16 pages.
12. D18.1/D18.1M:2009, Specification for Welding of Austenitic Stainless Steel Tube and Pipe Systems in Sanitary (Hygienic) Applications. American Welding Society, Miami, Fla.
13. Tusek, J., and Suban, M. 2000. Experimental research of the effect of hydrogen in argon as a shielding gas in arc welding of high alloy stainless steel. Int’l Journal of Hydrogen Energy 25: 369–376.
14. Lippold, J. C., and Kotecki, D. J. 2005. Welding Metallurgy and Weldability of Stainless Steels. John Wiley & Sons, New Jersey.
15 MIG welding stainless steel gas mixes. www.weldreality.com/stainlesswelddata.htm. Visited on May 19, 2010.

Traduction de “Effect of the Purging Gas on Properties of 304H GTA Welds” paru dans Welding Journal en avril 2014. Traduction Partick Dubosc et Clémence RETEL en mai 2015. Autorisation des auteurs reçue.


©France Inertage® - HFT®Pour toutes demandes : Clémence RETEL - France Inertage® - HFT® France - 06 52 84 28 39.
Par: Clémence HFT France

Commentaires (1)

04/05/2015 16:11:49 - Dominique ADMIN
Bonsoir,

Encore un grand merci à Clémence RETEL et à Patrick DUBOSC pour le partage de cet excellent article technique déposé sur notre site à l'attention de la communauté des membres et des soudeurs.
Vous apportez par cette action beaucoup d'intérêt et de savoir.
Bonne soirée.

Bien cordialement,