Bonsoir à tous;
Comme prévu, je vous transmets ici le contenu de mes échanges avec mon interlocuteur de l'INRS à propos des protections contre les fumées de soudage. Je m'excuse par avance de ce post "fleuve" mais je ne voyais pas comment faire autrement. Bonne lecture !:D
"Bonjour,
Je suis soudeur dans une entreprise de construction métallique. Nous sommes spécialisés dans la construction et l'assemblage de tuyauteries inox. Notre atelier s'est récemment équipé d'un système de torches aspirantes pour le soudage MIG/MAG de nos aciers et aciers alliés suivant les recommandation de la CARSAT .Cependant, les équipes "de chantier" sont elles aussi exposées aux fumées de soudage contre lesquelles aucune mesure n'a été prise pour le moment. Je soude quasi quotidiennement à l'aide des procédés TIG 141 (majoritairement) et MMA 111 (dans une moindre mesure), principalement des aciers inox avec pour seule protection une cagoule automatique ne me protégeant pas contre la nocivité des fumées de soudage.
J'aurais voulu savoir quel-s dispositif-s serait-aient envisageable-s afin de remédier à ce problème.
En vous remerciant par avance de l'attention que vous porterez à ma question.
Sincères Salutations"
Réponse:
Monsieur G,
Par courrier électronique du 17 décembre 2016, vous avez sollicité l’INRS concernant les fumées de soudage émises dans le cadre de chantiers.
Du fait des hautes températures atteintes au point de fusion, tous les procédés de soudage ont en commun l'inconvénient d'émettre des fumées qui peuvent être inhalées par les soudeurs et les personnes qui travaillent à proximité. Ces fumées, mélangées à de l'air chaud, sont formées, en proportions variables suivant le procédé, de gaz et de poussières dont les dimensions sont en quasi-totalité inférieures au micromètre et qui, de ce fait, sont susceptibles d'atteindre la région alvéolaire de l'appareil respiratoire.
Parmi les principaux polluants contenus dans ces fumées, on peut citer :
- le chrome VI, le nickel, le béryllium, le cobalt ou le béryllium : potentialité cancérogène ;
- le cobalt et le béryllium : fibrose pulmonaire ;
- l’aluminium, l’antimoine, le baryum, le béryllium, le chrome, le cuivre, les fluorures, le magnésium, le manganèse, le molybdène, le nickel, le plomb, le titane, le vanadium, le zinc et le zirconium : irritants, toxiques ou allergisants ;
- l’aluminium, la silice amorphe, le titane, le fer ou l’étain : surcharge pulmonaire ;
- l’aldéhyde formique : potentialité cancérogène ;
- le monoxyde de carbone, le monoxyde d’azote, le cyanure d’hydrogène : toxiques ;
- l’ozone, le dioxyde d’azote, l’aldéhyde formique et le phosgène : irritants.
Des composés du chrome hexavalent (trioxyde de chrome : CrO[SUB]3 [/SUB]et chromates : Na[SUB]2[/SUB]CrO[SUB]4[/SUB], K[SUB]2[/SUB]CrO[SUB]4[/SUB], ZnCrO[SUB]4[/SUB], etc.) ainsi que des oxydes de nickel (NiO, NiO[SUB]2[/SUB], Ni[SUB]2[/SUB]O[SUB]3[/SUB]) se forment notamment lors du soudage d’aciers inoxydables.
La composition des fumées de soudage ne dépend pas que du métal de base (c’est à dire du métal constitutif des pièces à souder). Elle dépend de nombreux paramètres, dont certains liés entre eux, parmi lesquels :
- le procédé de soudage,
- le diamètre du fil ou de l’électrode, le rendement de l’électrode,
- la composition et l’épaisseur de l’enrobage ou du flux (fils fourrés),
- la composition du fil ou de l’électrode qui, jointe aux caractéristiques précédentes, détermine le risque induit par le produit d’apport,
- les paramètres de soudage : intensité, tension, longueur d’arc, vitesse de déplacement,
- le facteur de marche de l’installation (rapport du temps effectif de soudage au temps de soudage),
- la position de soudage : à plat, en angle, verticale montante,
- la nature de l’opération de soudage : assemblage ou rechargement,
- le débit et la composition du gaz protecteur,
- la composition du métal de base et son préchauffage éventuel,
- la présence de revêtements (contenant du zinc, du plomb, du cadmium, etc.) ou de contaminants sur le métal de base (salissure, traces de solvants, graisses, etc.).
Le soudage manuel à l’arc avec électrodes enrobées est le procédé qui génère le plus de fumées par rapport à la quantité de métal d’apport déposé. Les procédés MAG donnent lieu à un fort dégagement de polluants particulaires. Les émissions sont proches de celles observées lors du soudage manuel à l’arc avec électrodes enrobées. Les émissions de fumées sont, dans la plupart des cas, plus faibles lors du soudage MIG que lors du soudage MAG. Lors du soudage TIG, les émissions de fumées sont relativement faibles, ce qui favorise la formation d’ozone.
Le niveau d'empoussièrement peut être très élevé et atteindre plusieurs dizaines de mg/m[SUP]3[/SUP]. En France, la valeur limite de moyenne d’exposition sur huit heures (VME) pour la totalité des particules composant les fumées de soudage est de 5 mg/m[SUP]3[/SUP]. Les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) de chaque constituant des fumées doivent également être respectées. Avec un revêtement (huiles, graisses, solvants, peinture, zinc, plomb...), il peut y avoir augmentation importante du risque. Le niveau de risque global est ainsi égal au risque dû au métal d'apport + au risque dû au métal de base + au risque dû au revêtement + au risque dû aux gaz. 95 % des constituants des fumées de soudage proviennent des produits d’apport.
Le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé dès 1990 les fumées de soudage dans le groupe 2B - l'agent est peut-être cancérogène pour l'homme. Elles ne sont pas classées par l'Union Européenne. Néanmoins, certains constituants des fumées émis lors du soudage de certains métaux (chrome VI, nickel, béryllium, etc.) sont classés par l'Union Européenne.
Pour réduire l’émission de fumées de soudage, la modification des procédés doit systématiquement être envisagée sous réserve que la qualité de la soudure ne soit pas altérée. Par exemple, réduire le diamètre de l’électrode, remplacer le soudage avec fil fourré par du soudage sous gaz protecteur avec fil plein, réduire la longueur de l’arc, changer le gaz de protection (rajouter de l’argon ou du dioxyde de carbone) ou encore réduire l’intensité du courant. Il existe également des procédés développés récemment qui présentent la particularité d’être moins émissifs comme le soudage à l’arc submergé ou le soudage par friction-malaxage.
Néanmoins l'utilisation de ces procédés et produits d’apport moins émissifs peut s'avérer insuffisante pour garantir un air sain. Il est donc nécessaire, afin d'assurer la protection des travailleurs contre les risques d'inhalation des fumées de soudage, de capter ces dernières à leur source d'émission. La ventilation par aspiration localisée permet de capter les produits dégagés au plus près de leur source d’émission avant qu’ils ne pénètrent dans la zone des voies respiratoires des salariés ou ne soient dispersés dans toute l’atmosphère du local de travail. Les aspirations localisées maintiennent les polluants dans une fraction de volume aussi faible que possible et les évacuent plutôt que de les diluer. Ces installations requirent des débits d’air beaucoup plus faibles que les installations de ventilation générale et donc des coûts de fonctionnement et de chauffage moins élevés.
Il convient de choisir un dispositif de ventilation par aspiration localisée spécifiquement adapté au poste de travail (à la technique de soudage employée, aux pièces à souder, à l’environnement et aux conditions de travail, etc.). Il pourra s’agir d’une torche aspirante, d’un gabarit aspirant, d’une table aspirante, d’une cabine de soudage, d’un caisson aspirant voire éventuellement d’un bras articulé ou d’une hotte.
Sur chantier, il est recommandé de porter des équipements de protection individuelle et notamment un appareil de protection respiratoire filtrant muni de filtres anti-aérosols au minimum de classe 2 (classe 3 si émission d’agents cancérogènes) et éventuellement de filtres anti-gaz (en fonction du gaz émis) :- un appareil de protection respiratoire à ventilation libre lors de travaux de courte durée (pièce faciale filtrante, demi-masque ou masque complet),
- un appareil de protection respiratoire à ventilation assistée si les travaux sont amenés à durer plus d’une heure (demi-masque, masque complet ou cagoule).
Dans le cas où le niveau ambiant d’oxygène est appauvri, un appareil de protection respiratoire isolant (masque ou cagoule à adduction d’air comprimé par exemple) doit être porté.
Pour de plus amples informations, je vous invite à consulter nos brochures référencées ED 6132 (http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206132) et ED 668 (http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%20668) téléchargeables gratuitement sur notre site internet.
Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Myriam RICAUD
Institut National de Recherche et de Sécurité
Département Expertise et Conseil Technique
Pôle Risques Chimiques
Coordinatrice de la thématique "Nanomatériaux"
65, boulevard Richard Lenoir
75 011 Paris
Tél : +33 01 40 44 31 93 • Fax : +33 01 40 44 30 52 [email protected]
Réponse:
Bonjour,Je vous remercie pour cette synthèse d'une grande clarté. Qualité que je vais m’efforcer d'appliquer à ce mail !
J'avais déjà consulté les brochures ED 6132 et ED 668 , je n'avais alors pas trouvé de réponse concernant les moyens de protection spécifiquement adaptés au soudage sur chantier. Vous apportez précisément cette réponse dans la fin de votre mail - Je m'étonne de n'avoir pas pu trouver d'information les concernant sur le site de l'inrs.
En ce qui concerne mon activité professionnelle, vous me conseillez donc un appareil de protection respiratoire filtrant muni de filtres anti-aérosols de classe 3, sous la forme d'un appareil de protection respiratoire à ventilation libre ou assistée en fonction de la durée des travaux.(+ ou - une heure)
Y a t-il un risque particulier à utiliser un appareil de protection respiratoire à ventilation libre pour des travaux de plusieurs heures? En d'autres termes, est-ce une nécessité de confort à l'usage ou bien est-ce directement lié à un risque pour la santé du soudeur? Vous indiquez que le passage de l'un à l'autre se fait selon le critère de la "durée des travaux". Ceci me semble logique mais présente, sous cette formulation, un potentiel "biais" de contournement des obligations de employeur vis à vis de la sécurité de ses salariés. Dans le domaine du soudage, le soudeur ne passe pas tout son temps à souder; le soudage en lui même est en fait une relative faible proportion du temps de travail global. Il y a également le positionnement des pièces; leur mesures, coupes, le montage à blanc. Ainsi, aucune soudure d'assemblage ne dure une heure en continu. Personnellement, je soude par périodes allant de quelques secondes à plusieurs minutes entre lesquelles s'intercalent d'autres actions n'impliquant pas un dégagement de fumées de soudage; cela toute la journée. Salarié dans mon entreprise, j'ai pu constater la différence de prix importante entre les deux types d'appareils de protection (Moins de 50€ pour le premier, aux alentours de 1500€ pour le deuxième). Le risque serait donc que le critère "temps des travaux" puisse être évalué à la lumière de cette différence de prix afin de choisir la solution la moins onéreuse mais pas forcément la plus adaptée. Pourriez vous, si possible, m'en dire davantage ?
Enfin, je suis inscrit sur un site francophone spécialisé dans le soudage (www.soudeurs.com) dont le forum est actif et au sein duquel j'ai récemment soulevé la problématique de la protection du soudeur sur chantier.
Devant la diversité des avis à ce sujet, je vous ai contacté afin d'avoir une réponse d'un spécialiste dans le domaine. M'autoriseriez vous à transmettre le contenu de nos échanges, notamment votre précédente réponse, à la communauté du site? (en accès libre bien entendu).
En vous remerciant encore pour l'attention que vous porterez à ce mail.
Sincères Salutations.
Réponse:
Bonjour Monsieur G,
Je vous souhaite tout d'abord une belle année 2017.
Il convient de manière générale de s'efforcer de limiter l'emploi d'un appareil de protection respiratoire à des situations de travail courtes ou exceptionnelles (lorsque notamment la mise en place de solutions de prévention collective est techniquement impossible) car le port d'un appareil représente toujours une contrainte liée à l'utilisation. De plus, il ne protège que le porteur et non les personnes qui sont à proximité. Par ailleurs, la protection est souvent limitée dans le temps.
Le choix d'un appareil de protection respiratoire ne peut se faire qu'après une étude sérieuse du poste de travail qui doit aboutir à une définition claire des conditions d'utilisation et à l'évaluation la plus précise possible de :
- la nature et la toxicité des polluants (gaz, poussières...),
- les concentrations les plus défavorables attendues pour chaque polluant dans l'air,
- les valeurs limites de concentration admises sur les lieux de travail, VLEP (si elles existent),
- les conditions de température et d'humidité,
- l'activité physique de l'utilisateur,
- la durée du travail à effectuer,
- la teneur en oxygène (notamment pour le travail en espaces confinés),
- les autres risques associés (incendie...).
Ces investigations permettront d'opter en toute connaissance pour l'appareil qui protégera le plus parfaitement possible l'utilisateur pendant la durée complète du travail à effectuer.
La méthode de sélection d'un appareil de protection respiratoire comporte 4 étapes.
La première étape porte sur le choix de la (ou des) famille(s) d'appareil de protection respiratoire. En situation de travail, un appareil de protection respiratoire filtrant (anti-poussières ou anti-gaz) ne peut être utilisé que lorsque les concentrations ambiantes en polluant sont au maximum égales à 60 fois la concentration limite admissible; au-delà le choix doit se porter sur un appareil de protection respiratoire isolant.
Après avoir sélectionné la (ou les) familles envisagé(s), la seconde étape consiste à rechercher le facteur de protection minimal requis. Ainsi, les appareils de protection respiratoire sont généralement classés en fonction de la protection apportée, avec pour chacun, une limite de concentration en polluant exprimée par un multiple de leur valeur limite (VL) de concentration admissible. Ainsi, la protection apportée par les masques complets à ventilation assistée TM3P (60 X VL) est supérieure à celle des masques complets avec filtre P3 (30 X VL) qui est elle-même supérieure à celle des demi-masques filtrant à usage unique FFP3 (10 X VL).
La troisième étape va permettre de déterminer l'appareil qui sera le plus adapté à la situation de travail et au porteur : lunettes, durée de port, mobilité, rythme de travail, contrainte thermique, outils employés...
La quatrième et dernière étape porte sur les essais d'ajustement qui visent pour chaque salarié à choisir le modèle et la taille qui permettent la meilleure étanchéité avec le visage.
Vous pouvez, si vous le souhaitez, partager le contenu de nos échanges via le site internet : www.soudeurs.com.
Bien cordialement,
Myriam RICAUD
Institut National de Recherche et de Sécurité
Département Expertise et Conseil Technique
Pôle Risques Chimiques
Coordinatrice de la thématique "Nanomatériaux"
65, boulevard Richard Lenoir
75 011 Paris
Tél : +33 01 40 44 31 93 • Fax : +33 01 40 44 30 52 [email protected]